19 avril 2024
Un artisan, une rencontre : Atelier d’Offard, ennoblisseur de papier
Ressusciter l’héritage des dominotiers, ennoblir le papier peint et raconter l’Histoire, c’est envisager le papier comme un univers à part entière. Focus sur cet artisanat d’art ancré en Touraine.
Texte par Laurence Gounel
Photos de Ludovie Maisant
©️ Ludovie Maisant« En lisant la thèse d’un conservateur du Louvre, j’ai découvert que le carton pierre servait à créer des décors dès le début du 19e siècle. J’ai voulu retrouver toutes les recettes de cette matière qui me fascinait, sorte de céramique sans cuisson, qui épouse toutes les formes une fois humidifiée et qui devient extrêmement résistante quand elle sèche : en réalité, une sorte de pâte à pain obtenue à partir de chutes de papier et de carbonate de calcium… Moi qui cherchais une solution de recyclage ! »
Formé aux Beaux-Arts, François-Xavier Richard, fondateur d’Atelier d’Offard, ennoblisseur de papier – comme il aime à se définir – est professeur d’arts plastiques quand il accepte de participer à une initiative visant à valoriser les métiers d’art auprès des très bons élèves. C’est alors qu’il découvre le papier peint à la planche. Un savoir-faire hérité des dominotiers – ces moines copistes qui, à la fin du 17ᵉ siècle, cherchent à réaliser des papiers décoratifs pour les murs, les objets et le mobilier – puis perpétué par les grandes manufactures du 18ᵉ et 19ᵉ siècle.
Si Atelier d’Offard en a fait le cœur de son expertise aujourd’hui, il a su se singulariser en poussant plus loin la démarche. Jusqu’à maîtriser la lecture de papiers peints historiques pour en assurer la reconstitution exacte. Une expertise qui lui vaut aujourd’hui les sollicitations des plus belles institutions, musées, châteaux et maisons de luxe. Un savoir-faire qu’il est le seul à cultiver en France, et dans le monde, avec des matières exclusivement naturelles : pigments, colle à base de peau de lapin… Un travail exigeant, qui demande une certaine écoute, une attention toute particulière à la matière et l’intelligence de la main.
« La qualité de l’impression dépend beaucoup de la lecture de l’artisan. C’est physique, précis. Ça demande de réagir, d’être ouvert… Ce n’est pas la matière qui s’adapte mais celui qui la travaille. Pour cela, il faut la comprendre, et c’est en cela que l’exercice est fastidieux et subtil. J’aime à comparer la préparation des matières à celle d’une sauce pour un cuisinier ».
©️ Ludovie Maisant
Si le papier peint est « un livre que l’on ouvre sur les murs », ce créatif a pourtant du mal à s’imposer comme un artiste avec cette matière dont il ne cesse pourtant de repousser les possibilités. C’est pourquoi dès 2017, il accepte des « résidences », d’abord à Kyoto, en tant que lauréat de la Villa Kujoyama. Il entreprend alors un travail de recherche sur le son du papier. C’est le déclic… il participe avec Wonder Lab à l’exposition valorisant « 15 trésors vivants nationaux français » au musée national de Tokyo, et expose la même année avec d’autres artisans d’art dans le cadre du projet Toguna au Palais de Tokyo à Paris. « À chaque « résidence » ou projet personnel, j’entends témoigner à quel point le papier est vecteur de sens et d’histoire ». Une démarche presque anthropologique qui lui apporte aussitôt une visibilité auprès des maisons de mode (Chanel…), de joaillerie (Chaumet, Boucheron…) auprès du cinéma aussi.
Des univers exigeants qui le challengent sans cesse pour trouver des solutions propres à la création. Des univers qui savent reconnaître immédiatement la valeur ajoutée d’un papier peint à la planche, quand on écoute ce passionné. « Cela devient un décor peint, il y a une résolution et une résonance des couleurs ou de la matière qui ne sont plus du tout les mêmes ». Si la prochaine étape est de travailler sur des papiers panoramiques – le papier devenant alors un catalyseur d’histoires pour les particuliers et les maisons qui peuvent envisager d’y raconter la leur – François-Xavier a l’intention de valoriser davantage encore le geste et tout l’éventail de son savoir-faire avec une collection de papiers brossés, travaillés à la main.
Gaufrage, patines, tontisses (récupération des poussières de velours, de laine ou de soie que l’on teinte puis imprime) pour des effets de reliefs soyeux… François-Xavier et son équipe réduite cherchent sans cesse à puiser dans les recettes anciennes en sollicitant conservateurs et ingénieurs. Dans le cadre de la reconstitution d’un papier peint, il arrive que le travail se fasse qu’à partir de bribes… Une période de recherche dans les collections du musée d’arts décoratifs ou de la bibliothèque Forney s’ensuit alors, et c’est là l’éloge du temps long.
« On cherche d’abord à identifier une époque, puis une manufacture. Si l’on ne trouve rien, il faut dessiner les compléments et cela peut prendre jusqu’à 6 mois de travail » confie l’expert.
L’autre obsession de cette tête chercheuse, l’innovation. Après avoir expérimenté l’impression sur papier thermique, il se concentre sur la création d’un papier chauffant, qui diffuse de la chaleur par le motif (système de métallisation).
©️ Ludovie Maisant
En somme, c’est un travail protéiforme autour du papier, une démarche globale, qui ont fini par faire germer l’idée de créer une Cité du Papier, à Tours. Il n’existe aucun musée dédié à ce jour et François-Xavier a eu l’idée avec la complicité de la ville d’y réunir tout ce qu’il a développé en plus d’un musée de l’imprimerie, des résidences d’artistes et le projet de Front Line Paper, un projet autour de la mémoire douloureuse… qui permettrait aux vétérans qui le souhaitent de transformer leur uniforme en papier et ainsi, d’apaiser le souvenir.
Pourquoi Atelier d’Offard ? En hommage à l’île éponyme dans la périphérie de Saumur, là où tout a commencé. Une île parmi quatre, qui permet de traverser la Loire. « Il y avait une résonance évidente avec notre démarche : faire traverser d’une rive à l’autre les métiers d’art. En réconciliant héritage, savoir-faire et nouvelles technologies » résume cet artisan insatiable.
Possibilité de visites pour les particuliers, sur rendez-vous, 02 47 67 93 22. atelierdoffard.com
Le papier peint à la planche, késako ?
Il s’agit d’une impression artisanale qui consiste à utiliser une planche par couleur. Il y a donc autant de planches utilisées que de couleurs imprimées sur le papier peint. La planche est en réalité un tampon, gravée en relief, appliquée dans la peinture et déposée. L’impression se fait à partir d’une presse à bras. On répète le geste en fonction du nombre de raccords sur le rouleau et du nombre de couleurs. Le résultat est immédiatement perceptible au toucher et visible sur la qualité picturale : richesse des pigments et de la matière, matité, et une accroche de la lumière différente. La résistance dans le temps n’est pas la même non plus…
©️ Ludovie Maisant
NOS MAISONS À PROXIMITÉ
Château de Pray
Dans un parc extraordinaire et à 2 kilomètres d’Amboise seulement, ce château propose des chambres et suites pour un séjour grand siècle. Avec le plaisir de profiter sur place d’une table gastronomique étoilée au guide Michelin, et d’une bistronomie dans un cadre troglodyte…
Rue du Cèdre, 37530 Chargé
Tel : 02 47 57 23 67
Hôtel Le Grand Monarque
Un ancien relais de poste du 18e siècle avec hôtel particulier du Directoire et la maison de maître du second empire, qui propose un vrai voyage dans le temps. Chambres cosy et toutes différentes, bar à vins valorisant le terroir alentours… On déconnecte immédiatement.
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Tel : 02 47 45 40 08
Château de Jallanges
Au cœur des vignobles de Vouvray et de l’itinéraire des châteaux de la Loire, ce monument historique édifié par Louis XI abrite 5 chambres d’hôtes, un loft, deux appartements et six gîtes pour prolonger la magie aristocratique de cette région bénie. Avec la possibilité de participer au bal costumé mensuel, à des expositions, concerts…
Lieu-dit, rue de la Mignonerie, 37210 Vernou-sur-Brenne
Tel : 02 47 52 06 66
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